Or donc, Larousse lance son encyclopédie en ligne. Ce n'est un secret pour personne, vu que l'intégralité des médias français, dans un bel élan collectif, ont jugé l'information suffisamment importante pour être mentionnée (pourtant, avec des tremblements de terre en Chine, des types qui crèvent en Birmanie et le Liban qui explose, y'avait de quoi mettre en perspective). Y'aurait probablement matière à faire du cynisme, mais ce n'est pas vraiment le genre de ce blog. En plus, si ça se trouve, c'est vraiment important après tout.
Donc, Larousse. Après tout, il est intéressant de voir comment un ancien pilier de l'encyclopédie française met à jour son offre de service à l'ère de Wikipédia. Laissons de côté les problèmes techniques habituels (serveurs visiblement sous-dimensionnés, accès direct aux articles impossible, ce genre de choses) qui me font penser que les concepteurs du site ne sont pas vraiment au courant de ce qui se fait ailleurs, en 2008 (je précise que ce ne sont que des impressions que j'ai eues sur un test très superficiel du site ; disons que, de premier abord, je ne suis pas trop emballé par l'aspect pratique du bouzin).
Pour ce que j'en ai compris, Larousse place d'emblée 150 000 articles en ligne : ils disposent après tout d'un capital déjà disponible, ils auraient tort de s'en priver. Maintenant, pour la modification de ce matériau, à la différence d'une certaine encyclopédie en ligne gratuitement réutilisable, ça ne se fait pas comme ça. Il faut s'enregistrer et proposer ses modifications, lesquelles sont acceptées après validation, ou pas. À première vue, c'est loin d'être idiot et ça permet d'éviter le vandalisme, cette plaie de Wikipédia ; j'imagine que pour un site commercial comme Larousse, c'est plutôt indispensable. Ok, d'accord.
Bon, tout ça, c'est très bien, mais c'est pas trop le premier site du genre à prôner sanctuarisation des articles et refus de l'anonymat. Même si ces idées reviennent constamment, y compris chez les fidèles de Wikipédia, je n'ai pas l'impression que leur application a produit quoi que ce soit d'utilisable jusqu'à présent (svp, arrêtez de citer Citizendium : 6 000 articles en plus d'un an, c'est un échec).
J'avoue ne pas avoir trop consulté l'encyclopédie en ligne de Larousse (pas trop ma faute : ça rame trop), mais je n'ai pas eu un sentiment d'extase mystique en lisant les articles. Pour être honnête, le web m'a surtout fait prendre conscience que ce qui parait long sur du papier semble terriblement court sur un écran, et j'ai à nouveau cette impression ici. Ok, d'accord, je me dis, c'est le premier jour, c'est modifiable, ça ne peut que s'étendre, faut se souvenir que WP, lors des premiers temps, c'était pas non plus terrible. C'est bien possible, mais le problème, c'est que Wikipédia existe déjà et que Larousse se lance dans l'aventure avec un concurrent mastodonte, plus connu, plus complet et dont l'édition me semble plus simple.
En résumé, Larousse veut défaire Wikipédia en opposant fiabilité, rigueur et expertise au chaos constructif. C'est pas très nouveau comme approche, mais j'espère qu'ils sont capables de trouver une armée d'experts sur tous les sujets afin d'ajouter du contenu et de mettre en forme les propositions des contributeurs, parce que, sur Internet, il suffit d'un clic et quelques secondes pour comparer les contenus... Bref, j'ose espérer que ce n'est pas qu'un effet d'annonce et qu'ils ont bien estimé la charge de travail qu'il va y avoir derrière.
Des articles écrits par des experts, une possibilité de pointer du doigt leurs inévitables erreurs : à première vue, c'est pas une mauvaise approche. Forcément, quand on fait ça, on se limite aux sujets qui disposent d'une expertise institutionnelle (pas le métro de Budapest, pas la saison cyclonique de 1995 et bien sûr pas les Pokémons), mais après tout, pourquoi pas. Il y a toute une gamme de sujets qui sont à la fois trop pointus pour être édités par n'importe qui et trop important pour ne pas être traités : pour ceux là, ça peut être rationnel de payer des experts pour faire le boulot. Pour tout le reste... Eh bien, pour tout le reste, Wikipédia semble avoir une approche plus efficace, même si elle n'est pas conventionnelle. Au final, j'ai bien peur que Larousse ne réponde pas plus à cette question que ses prédécesseurs : comment concurrencer efficacement Wikipédia ?
5 commentaires:
"Y'aurait probablement matière à faire du cynisme, mais ce n'est pas vraiment le genre de ce blog."
Pardon Poulpy, mais j'ai manqué de m'étouffer de rire en lisant ça :)
"6 000 articles en plus d'un an, c'est un échec" (toi au sujet de Citizendium)
Ah ? Il te faut combien d'articles par an pour considérer qu'il y a réussite ? Réussir c'est forcément être un mastodonte ?
@darkoneko : je suis très heureux de te faire rire, très cher. :)
@le loup blanc : ben, disons que 6 000 articles (pas foncièrement mieux que ce que produit WP, en plus) en un an, c'est à la limite entre l'inutile et le superfétatoire. Sauf, bien sûr, si on considère qu'une encyclopédie, c'est 10 000 articles figés une bonne fois pour toute et rien d'autre, mais ce n'est pas ma conception.
Malheureusement ton blog n'est pas un Wiki, j'en aurais profité pour corriger ceci : Pokémon est invariable.
Enfin, pour ma part je pense que le pire aspect de ce projet, c'est que l'exclusivité d'un auteur sur un article même à des articles aussi neutres que sur Agoravox.
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