dimanche 12 mai 2013

Partitions

Sur les projets Wikimedia, certaines évolutions passent assez inaperçues. C'est le cas de la nouvelle extension Score. Elle permet de générer des partitions de musiques en entrant une sorte de code, ainsi qu'une sortie audio.

L'entrée se fait en utilisant la syntaxe LilyPond. Ce n'est pas très facile au premier abord, mais c'est finalement assez rigoureux et logique quand on a comprend le truc (mais ça ne pardonne aucune erreur, ce qui peut donc être rapidement décourageant quand on débute). Le rendu final est très agréable et permet, si on le désire, de jouer la partition, ce qui est tout de même ce qu'on en attend ; bien sûr, c'est robotique et dénué de toute sensibilité, mais c'est parfaitement illustratif. Tenez, un exemple.

Bref, c'est cool. Le seul problème, c'est que cette extension de Mediawiki ne fonctionne pas. Ou plutôt, elle ne fonctionne plus dès qu'on dépasse une certaine taille et nous fait rapidement un Joseph II. Ça ressemble fortement à un problème annexe (mémoire, droits d'écriture, place disque, va savoir) et ça n'ennuie pas que moi. En attendant, ben, ça marche po. C'est dommage, il y avait une sacrée opportunité encyclopédique.

En attendant une éventuelle correction (va savoir si ça se fera un jour, j'imagine que la priorité allouée doit être très faible), rien n'empêche d'utiliser tout ça en dehors de Wikipédia. Histoire de vous donner une idée de ce qu'il est possible de faire, voici le début du premier mouvement de la sonate « Dürnitz » de Mozart :



Je ne sais pas pour vous, mais franchement, je trouve que ça en jette.

LilyPond a été créé il y a près de 20 ans par deux lycéens qui avaient envie de pouvoir générer informatiquement des partitions classiques qui soient agréables à l'œil. L'utilisateur se contente d'entrer ce qu'il doit y avoir sur la partition et le logiciel se charge de la gravure, plaçant tous les éléments comme il faut sans avoir à se faire prier. La documentation est bien fichue. Pour les amateurs, c'est également un projet libre et tout. Histoire de ne pas avoir à tout lancer en ligne de commande, vous pouvez utiliser un éditeur de texte dédié comme Frescobaldi, qui remplit parfaitement son rôle. Le projet Mutopia utilise la syntaxe LilyPond pour produire une bibliothèque de partitions libres, si vous voulez des exemples (ou juste des partitions).

Tout ceci est très intéressant. En matière de musique, si l'offre légale commence maintenant à bien exister (et par là, je veux dire : pas à des prix et des conditions de requins), je n'ai pas l'impression que l'offre de partitions existe. Je me souviens de mes années de piano, où il fallait acheter des partoches dans des magasins spécialisés (un ou deux par ville, à tout casser) à des tarifs prohibitifs y compris (surtout, même) pour les auteurs déjà dans le domaine public... Est-ce que ça a changé, tout ça ? (ne trouvant pas la date de décès d'Ernest Van de Velde, impossible de savoir si la Méthode Rose est dans le DP ; ça aurait sûrement intéressé mes parents à l'époque).

Pour ceux qui se sentent concernés, j'ai regardé également les OCR musicaux : ça existe. On en trouve du libre, mais ça ne fonctionne que difficilement. J'ai essayé une version de démo de SmartScore qui, par contre, déchire son flux vectoriel dans une matrice inversible.



Maintenant, tout ça ne concerne que les formes classiques de partitions, dédiées à la musique, euh, classique. Si on y réfléchit un peu, cette histoire de partitions, c'est essentiellement un truc de bons élèves qui essayent de se conformer aux idéaux bourgeois en matière d'encyclopédicité de la musique (la traditionnelle égalité : musique = musique avec des partitions) où le paraître (ici, les notes écrites dans un style codifié par l'élite européenne) prend le pas sur l'essentiel (la musique jouée et écoutée).

Si vous voulez passer outre, si vous ne voulez pas vous laisser enfermer par les conventions stériles, si vous n'êtes pas tétanisés par l'angoisse de la partition, vous pouvez essayer des trucs comme ça, qui ne sont jamais eux-mêmes que des partitions :


John Cage, Aria, for voice (1958)


SuperCollider (1996)



Karlheinz Stockhausen, Cosmic Pulses (2006)

Scream Tracker 3.21 (1994)


Ableton (1999)


John Stump, ''Faerie's Aire and Death Waltz'' (2006)

dimanche 5 mai 2013

Statistiques wikipédiennes



La nuit dernière, alors que je n’arrivais pas à m’endormir, je cherchais un sujet pour occuper mon esprit malade et le distraire des soucis habituels qui y tournaient en boucle depuis un certain temps[1] . Je repensais donc à des statistiques mathématiques un peu débiles[2] du genre si on voulait compter jusqu’à 1 milliard, il faudrait plus de 30 ans[3].
Puis je me suis dit que je pouvais mixer ça avec un de mes autres sujets de prédilection, Wikipédia. J’ai donc décidé de faire un rapide calcul mental du temps qu’il faudrait à une personne qui voudait lire tous les articles de la Wikipédia francophone (à la grosse louche). Comme le résultat m’a amusé, je me suis dit que je pouvais aussi amuser le monde [4], en le partageant via twitter le lendemain [5].
Puis j’ai réfléchi, je me suis dit que ce que je voulais dire tenait difficilement en 140 caractères, ou même en 280. Surtout que derrière j’ai pris conscience d’un autre paramètre dans mes statistiques, encore plus troublant. J’ai donc décidé de  faire plutôt un billet de blog, en demandant à emprunter un blog wikipédien. Voici donc mon rapide calcul, un peu plus affiné que ce que j’avais fait mentalement :
  • supposons donc qu’une personne veuille lire tous les articles francophones de Wikipédia  ;
  • supposons qu’elle passe 5 minutes par page  (ce qui est beaucoup pour certains articles, et très peu pour d’autres) ;
  •  l’encyclopédie francophone compte à l’heure où j’écris ce billet 1 383 534 articles ;
Cette personne devra donc passer 1 383 534* 5 minutes = 6 917 670 minutes, soit 115 294,5 heures, ou 4 804 jours, donc environ 13 ans et 2 mois.

  À ce niveau c’est déjà énAUrme ; oui parce que ces 13 ans et 2 mois, c’est en ne faisant que ça, c’est-à-dire en zappant les activités aussi futiles que dormir, boire, manger[6], avoir un boulot, forniquer, ou contribuer à Wikipédia.
  Mais c’est là qu’intervient un facteur que je n’avais pour l’instant pas pris en compte : la croissance de Wikipédia dans le même temps[7].

 Ordoncques,  la page« statistiques » de la Wikipédia francophone nous montre un graphe du nombre d’articles par an. On y voit que si la croissance à ses début était exponentielle, elle est, grosse merdo depuis 2007, linéaire, avec, à la (grosse) louche 150 000 articlés créés par an. Si on rapproche ça du calcul précédent, durant les 13 ans et 2 mois que le valeureux volontaire va passer à lire la wikipédia francophone[8], si on suppose un rythme de croissance équivalent à ces dernière années, 1 974 221 auront été créés[9].
Si on reprend le calcul précédent, il faudra donc au valeureux lecteur 18 ans et 9 mois supplémentaires pour lire les nouveaux articles créés. 18 ans et 9 mois durant lesquels X articles auront été créés[10]. On se retrouve avec un comportement de type exponentiel ; le résultat est donc qu'il est, dans ces conditions, physiquement impossible pour un humain de lire tous les articles de la Wikipédia francophone (et je ne parle même pas de l’anglophone).

En conclusion ? Eh bien on va tous mourir.  Et en plus on n’aura pas le temps de lire tous les articles de Wikipédia.

Rhadamante

[1] oui, moi quand j’ai une idée dans le crâne, bonne ou mauvaise,  elle tourne des heures et des heures, jusqu’à la concrétiser,  la remplacer par autre chose, ou avoir une grosse migraine. C’est pénible.
[2] c’est ça ou rêver que je tue Justin Bieber (ou tout autre artiste/personnalité pénible) à coup de figues molles – je vous avais prévenu que j’étais un esprit malade
[3] au rythme (rapide) d’un nombre par seconde, il faudrait 1 milliard de secondes, soit environ 277 777 heures ou 11 574 jours, soit 31,7 années. 
[4] oui je suis quelqu’un de bon et généreux, la preuve, je participe à Wikipédia
[5] oui j’essaie de planifier mes meilleurs tweets –et non, on voit que je n’en ai pas planifié beaucoup
[6] on peut avoir des réserves pas loin mais elles ne dureront pas 13 ans
[7] l’idée m’a traversé l’esprit, mais de toutes façons je ne pouvais pas la concrétiser, je ne connais pas les chiffres de wp par cœur – mon esprit malade a aussi ses limites
[8] s’il n’est pas mort d’ici là de faim, de soif, ou de privation de sommeil
[9] statique inquiétante en elle-même pour les compétiteurs de wp, avec ce chiffre, en plus de 13 ans à ce rythme fr : n’arrivera péniblement qu’à 3 357 000 articles, soit 80% du nombre actuel d’articles sur la Wikipedia anglophone 
[10] et ainsi de suite, mais bon, je pense que vous avez compris le principe...