mardi 2 novembre 2010

Textualité

On prétend parfois que nous vivons dans une société de l'image, ce qui m'a toujours semblé douteux. J'ai plutôt l'impression d'une société du texte, lequel est parfois illustré par l'image. Les journaux télé, par exemple, me font l'effet de journaux radio avec des illustrations dessus : les capacités du médium semblent inutilisées, comme si on ne savait pas quoi faire de tout cet écran et qu'on se contentait de plaquer des trucs qui bougent sur les paroles prononcées. De même, je suis surpris quand on ne parle du cinéma que comme d'un théâtre filmé, où le jeu des acteurs et le scénario représentent tout, tandis que la mise en scène et le montage ne sont qu'un gadget (ou, pire, un effet, comme si une telle chose ne pouvait pas être sérieuse). Certes, ce que je raconte n'a rien de bien nouveau, j'en ai conscience.

Wikipédia est un site textuel. Il l'est à cause des contraintes techniques inhérentes au wiki. Il l'est également car l'image d’Épinal de l'encyclopédie suppose de la rédiger avec des mots. Il l'est encore, à mon avis, car Wikipédia est un rejeton des premiers temps du web, où les sites étaient décrits par le texte. Pour toutes ces raisons, le son, l'image, la vidéo, l'animation, la musique, les diagrammes, les graphes, les courbes, les schémas, les partitions, tous ne sont que des illustrations : un article n'est jamais bâti autour d'eux.

Pourtant, il est possible de faire passer un réel message encyclopédique en dehors du texte pur, comme l'exemple de la carte figurative de Minard le montre. Mais je suis coupable. De ce chef d'œuvre de représentation synthétique, j'ai pondu un infâme résumé textuel. On n'y échappe pas.