mardi 17 février 2009

Critères de geeks

Aujourd'hui, soyons geek et parlons de jeux vidéo. Ou plutôt, des critères sur les jeux vidéo.

Les critères ne sont pas forcément une mauvaise chose en soi : ils permettent de dire à Totor que son projet de fin d'études n'a pas à figurer dans un article sans se prendre la teutê sur la philosophie des cinq piliers de Wikipédia. Bref, d'éliminer à moindre frais les fâcheux qui viendraient râler un peu plus que d'ordinaire en leur soumettant un texte qui a une apparence officielle (ça ne dissuadera par les gros boulets, mais ils ne sont pas trop nombreux heureusement). Y'a quand même un site à faire tourner, il faut être un peu efficace. Ce n'est pas très wikiluv, certes, mais les types en face ne sont pas des bisounours donc ça compense.

Bien ! Maintenant que j'ai correctement dénoncé Trotski, on va pouvoir parler sérieusement ! :)

J'avoue que les critères choisis me laissent un peu dubitatif. Voici le premier point :

« Un jeu sera considéré comme admissible a priori sur Wikipédia s'il est réalisé, édité et distribué par des professionnels, sur le circuit commercial traditionnel. »

Bon, ok. Ce n'est pas fondamentalement idiot : un jeu du « circuit commercial traditionnel » a toutes les chances d'être notable, au sens qu'on peut trouver de la littérature tierce dessus. Bien entendu, on pourrait discuter sans fin de cette obsession wikipédienne pour les sources papiers, mais ce n'est pas le propos : ces jeux peuvent figurer sur Wikipédia sans contestation, tout le monde est d'accord là-dessus, c'était facile (du coup, on peut se retrouver avec un truc aussi obscur et insignifiant que Borderline, mais ne boudons pas notre plaisir). Reste maintenant à définir des critères pour tout le reste et c'est à ce moment là que Wikipédia sort les avirons et se met à ramer comme une équipe d'Oxford en train de perdre devant Cambridge.

Comme vu plus haut, le but des critères est d'empêcher le terrorisme  (certains pensent que c'est pour maintenir un standard de qualitay, mais ils sont délirants). Comme toute loi anti-terroriste, ils sont mal formulés, tombent souvent à côté de la plaque et se focalisent sur des points assez annexes. Dans le cas des jeux vidéo, ils sont en plus à la ramasse quant à la réalité du sujet à la fin de la première décennie du 21e siècle.

Dans l'esprit de tout le monde, j'imagine que : vrai jeu vidéo = truc sorti dans une boîte qu'on peut palper à la Fnac. Le reste peut aller se pendre. Le reste, ce sont les jeux amateurs, les jeux qui ne passent pas par le circuit traditionnel, les jeux hybrides et j'en passe. Tout le reste, donc.

Si j'ai bien compris le truc, le blanc-saing qui est accordé sans aucune distanciation à tout jeu-qu'on-peut-toucher-dans-les-magasins s'étend aux jeux indépendants suffisamment connus pour être potentiellement des jeux-qu'on-peut-trouver-dans-les-rayons. Cool, World of Goo est admissible. J'imagine que Defcon ou Aquaria le sont aussi, même si je ne suis pas sûr qu'ils aient jamais été pressés sur des galettes numériques, mais comme on a dû en parler dans la presse papier, ça roule (et puis les équipes sont des gens payés pour ça, donc c'est sérieux, forcément). Pour Doukutsu Monogatari, ça doit aller aussi : c'est gratuit, uniquement en téléchargement, fait par un Japonais isolé, j'ignore si on trouve des références secondaires dans le monde imprimé, mais suffisamment connu pour résister à un passage en PàS. Par contre, Tank Universal (combat de chars ultra-style dans un univers réminiscent de Tron fait par un type dans son coin), Iji (plate-forme plein comme un œuf également le fait d'un gars isolé), Noctis (vieux truc à la limite du jeu), voire Counterclockwise (un remake sans prétentions de Knot in 3D, lui même obscur titre commercial des années 80), ça doit se discuter fortement : les seules sources d'infos, ce sont des blogs ou des sites spécialisés anglophones, et tout le monde sait que les blogs et les sites, c'est le Mal.

Là, on est encore dans l'opposition binaire jeu indépendant suffisamment reconnu / pas suffisamment reconnu : on ne sort pas vraiment des critères. Mais que penser des jeux distribués autrement que par la voie commerciale classique ? (D'ailleurs, Doom, au début, c'était la voie commerciale classique ? Oui, c'est pas grave puisque le jeu a eu du succès mais c'est justement le cœur du problème.) Prenons les jeux sur téléphones portables : typiquement, ces jeux sont téléchargés et facturés à la demande, bref complètement en dehors du « circuit commercial traditionnel ». J'ai lu récemment qu'iShoot, un jeu d'artillerie pour iPhone, s'était vendu à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires : est-il admissible ? Vortex, dispo en bundle sur les iPod récents, l'est-il ?

Et si on passe aux jeux qui ne sont disponibles qu'à travers un navigateur Internet, que fait-on ? Prenons La Brute (à peine un jeu, mais probablement des milliers d'utilisateurs) ou Virtual Regatta (dont l'édition Vendée Globe a réuni 300 000 joueurs) : ils se situent où, dans tout ce bazar ? Et Grow ? Et Ouverture facile, à la limite du jeu vidéo et du site de puzzle ?

Ensuite, il y a les jeux vidéo qui existent plus en tant que concepts qu'incarnation bien précises, comme Tower Defense ou Escape the Room (MOTAS anyone?). Ou, tenez, les jeux sur IRC : j'ai appris récemment qu'Akeran avait fermé et je me souviens en avoir fait quelques parties il y a plus de 10 ans ; je me rappelle également de Piwi, le bot de #motus. Certes, j'admets que l'admissibilité de ces jeux est discutable, mais je les citais pour illustrer (on va également me dire que ce ne sont pas des jeux vidéo, ce qui risque de me désespérer à ce stade de mon post).

Où je veux en venir ? Eh bien, ce que je tentais d'expliquer, à ma manière fortement convoluée et détournée, c'est que les critères partent d'un intention louable, mais qu'ils tombent rapidement à plat. Ou, plus exactement, ils ne considèrent un sujet que dans son sens le plus évident sans accorder la même importance à ses à-côtés, dérivés, variations et évolutions, alors même que ces points sont les plus concernés. Qui plus est, ils sont figés dans le temps (grossièrement, les critères sur les jeux vidéo sont adaptés pour l'état de l'industrie en 1995, pas en 2009). C'est ennuyeux, car Wikipédia a besoin que les articles circulent.

4 commentaires:

GL a dit…

Il y a un autre point commun entre les lois anti-terroristes et les critères d'admissibilité. On les rédige en annonçant l'invasion imminente des barbares avant d'en abuser dans des situations qui n'ont rien à voir.

Jean-Fred a dit…

Bof, franchement, on utilise surtout les critères JV dans les cas style celui que tu donnes au début, avec des articles promos de jeux sous RPG Maker, ou un énième en Flash. Pas plus tard qu'hier, j'ai créé Super Columbine Massacre, et il ne m'est pas venu à l'idée d'aller relier les critères. Le type à qui prendrait l'envie de le contester (celui-là ou un autre style Iji) en brandissant ces critères le sentirait passer. Si par "site spécialisé anglophone" il faut entendre Gamasutra, l'avenir de ces jeux est assuré.
Non, le truc dont les critères sont censés nous préserver, c'est des PàS inutiles. Si les gens lisaient ces critères, ce serait toujours ça de gagné.

Moez a dit…

Quand on voit que Line rider a failli être supprimé (Wikipédia:Pages à supprimer/Line rider) car développé par un amateur (jeune en plus) ou parce que c'est un simple jeu flash, en ignorant la folie qui a entouré ce jeu, je me dis que les votants d'une PàS ne font aucun effort pour essayer de faire un minimum de recherche. Un bon indicateur est de rechercher les forums de discussions les plus célèbres. C'est là qu'on se tient informé de ce qui a du succès ou pas.

gred a dit…

Tu m'a fais découvrir Ouverture-facile, j'ai trouvé un autre lien encore mieux : http://www.prise2tete.fr (j'adore les jeux de réflexion, et je dois dire que je crois que c'est une perle rare ce site...)