vendredi 28 mai 2010

Néologisme vraiment néo

Le Wiktionnaire, c'est entendu, est le plus beau projet de la galaxie Wikimedia. Ce point ne soufre aucune contestation.

Cependant, il possède ses limitations.

Hier, un collègue me parlait du concept d'« accenturisation ». Pour ceux qui ne sont pas du milieu, Accenture est une boite de conseil. Une très très grosse boite. Une blague courante dans le domaine de l'informatique de service, c'est l'omniprésence des consultants (je le sais, j'en suis un). Toutes les boites de conseil ont tendance à vouloir s'incruster dans les projets, genre « j'y suis, j'y reste » et à y placer le maximum de consultants. Forcément, quand c'est des énormes boites comme Accenture (ou son copain Cap Gemini, pas de jaloux), ça peut prendre des grosses proportions. :)

Bref, j'ai entendu quelqu'un dire hier qu'il préférerait qu'on « ne se fasse pas accenturiser ». Et moi, la seule chose que je me suis dit, ce fut : « mmm... Dommage, ce verbe ne pourra pas être placé dans le Wiktionnaire ».

C'est ballot, non ? :D

PS : je précise, avant qu'on m'accuse de dénigrement, que je n'ai rien contre Accenture. Après tout, ils font généralement le sale boulot que je n'ai pas envie de faire. :)

jeudi 27 mai 2010

Voyage dans le métro de Paris

Ces derniers temps, j'ai pris le métro. Certes, j'habite à Paris donc ce n'est pas trop la grosse révélation. Le truc, c'est que je me suis baladé dans certaines stations pour vérifier que certaines œuvres y existaient toujours.

(Là vous devez vous dire : "oh non ! pas encore un billet sur l'art public !" Ben si. C'est mon blog et ma marotte du moment, donc voilà.)

Il se trouve qu'il y a quelques œuvres d'art dans le métro, à Paris (essentiellement des peintures sur les carreaux de faïence). Certes, on n'atteint pas le niveau des métros de Bruxelles ou de Stockholm, mais je fais avec ce que j'ai sous la main.

Donc, je passais il n'y a pas longtemps à Châtelet, empruntant le long couloir de correspondance entre les lignes 11 et 7 et le reste de la station, quand je me rends compte que les murs sont décorés d'une frise et que, pour une fois, un cartel semble expliquer de quoi il en retourne. Donc, je reprends le tapis roulant dans l'autre sens (le cartel est bien sûr en plein milieu du couloir) et comme je n'ai pas le temps de lire, je refais un troisième fois le parcours, mais à pied. Là, je constate qu'il s'agit d'Obliques enrubannées, une peinture murale d'un certain Hervé Mathieu-Bachelot. Et mieux que ça : le cartel liste les autres stations où le monsieur aurait placé des œuvres.

Évidemment, je me dis : "trop bien, je vais mentionner ça sur Wikipédia". Sauf que voilà : le titre des œuvres n'est pas mentionné et il me semble que la moitié de ces stations en question ont été rénovées récemment... Donc je suis allé voir sur place. Oh, pas d'un coup, bien sûr : ça m'a pris un bon mois, au petit bonheur de mes pérégrinations parisiennes. Le résultat : dans trois stations, je n'ai rien trouvé. Et j'en ai trouvé une dans une station qui n'était pas mentionnée.

La conclusion de tout ceci ? Est-ce qu'une plaque affichée dans le métro est une source acceptable sur Wikipédia ? Et si je vais sur place et que je constate qu'en fait, y'a plus, est-ce du TI ?

En tout cas, ça me fait voyager...

PS : à tous ceux qui râlent parce qu'on a créé des articles sur les rues de Paris (ou sujets assimilés) parce que pas encyclopédique et sans aucun intérêt, je vous assure que, quand on a à indiquer la localisation d'une statue, on est content d'avoir des liens bleus. C'est aussi ça, Wikipédia : on ne sait jamais trop comment vont servir les articles.

jeudi 20 mai 2010

Malamanteau

« Encyclopedic adj.: limited, censored, excluded, particularly with reference to subjects of which the writer disapproves or of which the writer has no knowledge. »

Pour un sujet donné, il n'existe que deux possibilités : être mentionné sur Wikipédia ou ne pas l'être. L'idée générale, c'est que si c'est notable et vérifiable, ça peut être casé sur le site, mais c'est bien sûr plus compliqué que ça. Comme tout livre sacré qui se respecte, les principes fondateurs ont été écrits bien après le début des événements et ils sont suffisamment flous pour être interprétés comme on le désire. Bref, en pratique, il s'agit surtout de savoir combien de personnes désirent faire figurer le sujet sur WP. S'ils sont plus nombreux que les opposants, c'est gagné (et ces derniers disent que tout est foutu, etc.). C'est classique.

La semaine dernière, le webcomic xkcd a publié un pastiche d'article wikipédien présentant le terme « malamanteau », défini comme « un néologisme désignant un mot-valise créé de façon incorrecte en combinant un abus de langage avec un néologisme ». La syntaxe, la mise en page et les termes choisis trahissent chez l'auteur du webcomic une très bonne connaissance de Wikipédia. Bien sûr, xkcd étant beaucoup lu, il savait parfaitement que son néologisme allait être créé sur Wikipédia. Et comme il en a une très bonne connaissance, il pouvait se douter que ça allait batailler grave. En somme, c'est un bon gros hack de Wikipédia, le meilleur que j'ai vu pour l'instant.

Personnellement, avec mon inclinaison naturelle pour le chaos et l'irrespect léger (je me la joue ? Eh bien je me la joue), je ne peux qu'approuver cette démarche. Vous vous doutez bien que la blague ne fut pas du goût de tout le monde et que des termes comme « irresponsable » furent émis. Wikipédia, c'est sérieux, bordel !

Après une semaine de combat, la page de discussion de l'article a été éditée plus de 1 300 fois. Une page d'archive a été créée, grosse de près de 225 ko et comportant 65 paragraphes. L'article a été consulté plus de 170 000 fois en une semaine, dont 72 000 fois le premier jour. Au final, l'article a terminé sous la forme d'une redirection vers le paragraphe « Themes » de l'article sur le webcomic. Comme ça, l'égo wikipédien est sauf (ainsi probablement que la morale, la culture et certainement la Civilisation occidentale).

Finalement, c'est le site urban dictionary qui résume le mieux l'histoire : « malamanteau: a word defined to infuriate Wikipedia editors ». Ah, c'était drôle tant que ça a duré. :)

Pour ma part, je me dis que le mot pourrait bien être créé sur le Wiktionnaire, avec la Catégorie « hapax en anglais », mais je n'ai pas encore les épaules assez solides pour tenter le coup, cliquer ici, écrire le texte et sauvegarder. On serait capable de me dire qu'un dictionnaire universel n'a pas vocation à recueillir tous les mots, même si leur utilisation est vérifiable. Déjà qu'on me raconte qu'une encyclopédie universelle n'a pas vocation à recueillir tout le savoir...

mercredi 19 mai 2010

Salutaire complexité

On entend souvent dire que la Science sert à expliquer le monde, à le caser dans des boites, à le rendre plus simple. C'est un contre-sens courant : le but de la Science, c'est d'introduire de la complexité. Dépasser le bon-sens simpliste. Produire des résultats contre-intuitifs. Casser les classements évidents. Mettre en évidence les biais, les exceptions, le temporaire. Bref, tout faire qu'on vienne raconter ensuite que la Science perd pied avec la réalité et ne sert vraiment à rien.

Toutes proportions gardées, Wikipédia joue un peu ce rôle là. J'y pensais en lisant un billet du blog de DainDwarf (coucou, toi, bienvenue sur la blogsphère wikipédienne francophone) à propos du modèle {{pistes}}. Ce modèle permet d'organiser le listing des pistes d'un album (titre en italique, durée, etc.). Personnellement, je pense que c'est une belle usine à gaz, mais c'est un autre problème.

Quand j'ai vu ce modèle, je me suis dis qu'il avait sûrement été créé de bonne foi avec une vision simple de son application : un album d'une quinzaine de pistes au format CD audio tout bête. C'est certainement injuste de ma part : le modèle a l'air assez flexible et proposait dès le début de monter jusqu'à 99 pistes. Et en fait, ce n'est pas vraiment de ce modèle dont je voudrais parler en ce moment.

Quand en 2010, dans le monde occidental, on pense « musique », on pense souvent « album ». Et quand on pense « album », on veut dire « CD ». Bon, bien sûr, il existe des exceptions, mais c'est marginal. Forcément. Des trucs bizarres certainement. Pas mentionnables. Pas notables. Des machins qui ne viendraient pas à l'esprit d'une personne normale. Pas des VRAIS albums, quoi (et pas de la VRAIE musique de toute façon).

Le concept d'album comme support musical principal ne date que de quelques décennies (les Beatles sont essentiellement à blâmer, mais l'industrie du disque en a fait son business model le plus rentable). Le privilégier, c'est avoir un biais européen contemporain. Beaucoup d'autres formats ont existé (ou existent toujours) : EP, mini-LP, 45 tours, maxi 45 tours, single et j'en passe. En plus, le développement des boutiques en ligne pousse à privilégier la piste sur l'album ; j'ai d'ailleurs déjà vu des netlabels qui ne font que des éditions à la piste.

Au niveau support, on a le CD audio, mais également bien sûr le DVD, le vinyl ou la cassette. Et puis il y a tous les autres : le cylindre, le minidisc, la carte SD ou la cartouche NES. Et je passe sous silence les formats numériques (mp3 128, 320, FLAC, etc.) ou même les music disks.

Dans son billet, DainDwarf évoquait les pistes cachées. Mais il faut également prendre en compte les éventuels prégaps. Et, bien sûr, les pistes cachées à l'intérieur du premier prégap (c'est-à-dire lisibles uniquement en revenant en arrière à partir du début de la première piste). Quand à définir une durée pour les pistes vinyles qui se terminent par un sillon infini...

Et puis si vous pensez que toutes les éditions d'un album précisément nommé sont toutes identiques, vous vous mettez le doigt dans l'œil. Et ça peut être coton de définir une discographie chronologiquement exacte, même chez les groupes connus.

Bref.

Ce que je veux dire au final : même pour un sujet aussi banal que la musique populaire des 50 dernières années dans le monde occidental, il est facile de tomber dans la simplification excessive et de prendre ce qui n'est que le format majoritaire pour le VRAI format (entendre : le reste, c'est pas vraiment important). J'aime bien ce côté de Wikipédia, quand le site mentionne ce qui ne rentre pas dans les cases. Wikipédia est peut-être une encyclopédie, mais sa structure anarchique contraint à poser sur le monde un regard différent : les classements ne sont jamais absolus, l'exception est la règle, la majorité n'est jamais qu'un point de vue. Wikipédia rend le monde plus complexe.

Alors, bien sûr, quand on regarde ça de loin, on se dit que Wikipédia pinaille et passe à côté des VRAIES choses importantes. C'est une erreur : ce pinaillage permet justement de se rendre compte des choses vraiment importantes.

mardi 18 mai 2010

La pornographie sur Wikipédia

Quand je pense que Commons héberge des photos de bittes et de chattes, accessibles aux plus jeunes sans la moindre restriction, et sans qu'aucune mesure ne soit prise...

mercredi 12 mai 2010

Surtout, ne pas hésiter

Tiens, puisque c'est ma marotte du moment, je me suis rendu compte d'un truc marrant, à propos de la liste des œuvres d'art de la Défense.

Lorsque j'ai créé cette liste en 2007 (par un après-midi de février où je devais m'ennuyer, seul, au 12e étage de la tour Cèdre), je n'ai placé des wikiliens que sur les artistes, mais pas sur les œuvres. Avouez que à rentre un peu en contradiction avec le titre même de la liste. Mais à l'époque, ce que je me suis dit, c'est : purée, je suis quand même gonflé de faire un article comme ça, à coup sûr il va gicler en PàS en moins de deux. Alors, vous imaginez bien que placer un lien rouge sur chaque œuvre, c'était un appel au crime. En bref : en 2007, je me suis auto-censuré.

Comme je le racontais hier, je n'ai créé en masse les articles sur les œuvres que le mois dernier. Je n'ai pas changé de position sur l'inclusionnisme ou le suppressionisme en trois ans : je suis juste tombé sur un groupe d'Américains pour qui Wikipédia est un excellent moyen, simple et gratuit, d'organiser leurs connaissances. Du coup, je me suis dit : pourquoi pas moi ?

Quand on essaye d'expliquer les fondamentaux de Wikipédia, on parle forcément de vérifiabilité, de notabilité, de sources et de tout un tas d'autres trucs complètement chiants (ok, j'ai pas dit que c'était pas important, juste que voilà, hein). En revanche, on ne cite jamais celle par laquelle l'encyclopédie doit son succès, celle qu'on essaye de cacher sous le tapis dès qu'on peut : n'hésitez pas !.

Be Bold, c'est l'équivalent WP du Just do it de Nike : un état d'esprit totalement américain et difficilement compréhensible ailleurs. Ça ne veut pas dire : "fais n'importe quoi", comme c'est généralement interprété. Ce que ça veut dire, c'est : "tu penses que ça vaut le coup ? Fais le. Après, bien sûr, tu vas te confronter au monde extérieur et tu risques d'avoir tort, mais on s'en fout. Tu es une personne à part entière : agis."

Il y a trois ans, j'ai hésité. Du coup, j'ai perdu trois ans.

PS : pendant que j'y suis, allez jeter un coup d'œil à cette interview de certains membres du projet anglophone WSPA. Ils y parlent de l'approche qu'on peut avoir de WP en tant que conservateur ou étudiant en art, des possibilités offertes par le médium et de tout un tas de trucs intéressants.

mardi 11 mai 2010

Élevage d'articles

Il y a environ un mois, je décidais d'aller créer des articles sur la soixantaine d'œuvres d'art de la Défense. Maintenant qu'un mois est passé, je suis allé jeter un œil sur grok voir si les gens lisent mes écrits.

La liste est consultée environ 15 fois par jour. Sur un mois, ça fait 450 à 500 consultations. Pas énorme, mais bon... C'est après tout un sujet de niche, donc c'est déjà pas mal.

Sinon, pour les articles sur les œuvres elles-mêmes, ça varie beaucoup suivant l'artiste. Le Calder est le plus consulté (340 fois en un mois), suivi du Barrias (200 fois), du César (110 fois), du Serra (80 fois) et du Miró (80 fois aussi). Curieusement, Boréale d'Adam-Tessier est vue 150 fois dans le mois, mais je soupçonne qu'il s'agit de fautes de frappe. Après, seules une vingtaine d'œuvres sont vues au moins une fois par jour. Certaines ne le sont qu'une fois tous les deux-trois jours. Une longue traîne typique, en fait (50% du trafic provient d'articles réalisant individuellement moins de 2% du total).

Au total, l'ensemble du lot aura quand même attiré 3 000 visiteurs dans le mois, soit 5 fois plus que la liste seule. Ça me semble être un argument en faveur de la création d'articles dédiés pour chacun des éléments. Au final, le nombre de consultations n'est pas du tout négligeable. Il est possible que le fait d'avoir un jeu complet d'articles individuels sur le sujet soit un atout ; c'est juste une supposition, par contre.

Pour l'instant, les articles sur les œuvres sont très peu liés au reste du monde (il me semble que la quasi-totalité n'est accessible que par la liste elle-même). Il faudrait que j'arrive à augmenter leur visibilité, voir si ça change quelque chose.

Petit edit, après coup : il va de soi que je ne parle ici que des consultations. Puisque selon le premier lemme poulpique, il faut un millier de consultations pour obtenir une unique modification, on peut se douter que mes ébauches le sont restées. Et comme j'ai tout ça en liste de suivi, je vous le confirme. Dure, la vie.